Poilade

Le vent se lève, entraînant toutes sortes de poussières, plumes, pollens. Ceux-là s’envolent, se lient, se dissocient, se posent là où cesse la brise. D’autres prennent un courant descendant, et dans une grande décélération, atterrissent, roulé-boulé, pif, paf, schlouf.

Pif est le premier à se redresser. Il observe la cavité buccale, ses dents carrées, pointues, cassées. Il s’intéresse aux parois humides dont les aspérités permettront l’escalade. Pif s’entortille, attrape une excroissance de chair, progresse sur l’intérieur des joues, atteint le conduit nasal. Il le remonte, découvre d’autres congénères, y voit des promesses de tressage. Pif va de l’un à l’autre, faisant la danse du poil, cherche à s’enchevêtrer. Mais à force de se démener, il provoque chatouilles puis irritation. Il sent un souffle d’air remonter, n’a pas le temps de s’arrimer ; Pif, le poil à gratter, est débarqué par un tonitruant éternuement.

Paf s’écrie : paf Pif, je serai bien plus malin !
Il sinue prudemment. Il assure ses prises autour de restes de nourriture, de tartre accumulé. Il est accroché par une dent cariée, se dégage et s’éloigne sur un filet de salive. Paf se met en boule à l’approche de la glotte, attend la déglutition. Il glisse dans le larynx, avance à tâtons, cherchant l’endroit idéal pour se lover. Il ne fait pas attention aux tremblements rauques qui remontent par saccades de plus en plus violentes. Et Paf, le poil de chat dans la gorge, est éjecté dans une quinte de toux.

Schlouf s’écrie Pif, Paf, chausse-trappe, s’il n’en reste qu’un je serai celui-là !
Sa place est sur place, sans besoin de s’agiter, se trémousser, s’infiltrer, esquiver. Le voilà qui s’installe sur des papilles exquises, se prélasse, s’incruste inexorablement. Seul un léger chuintement signale sa présence. Squatteur sans souci, il se sent ici chez lui. Schlouf aime les sons sonnants et trébuchants. La langue peut être claquée, brossée, tournée sept fois ou sept cents fois, Schlouf, le cheveu sur la langue, ne sera pas expulsé.

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