Bonjour ma vieillitude,
L’été vient de se terminer, je laisse derrière moi un peu plus de jeunesse, de peps, de chair fraîche. La jeunesse s’éloigne, petit point lointain que ma myopie naissante m’empêche désormais de discerner. Profiter des menus plaisirs de la vie requiert dorénavant des lunettes. Finies les soldes insouciantes, la lecture des étiquettes tourne à la devinette, 50 ou 60 % de coton ? lavage à 30 ou 40° ? J’ai reposé le tout et suis sortie du magasin, direction le salon de thé. La carte, à la carte ! A croire qu’ils jugent préférables que je ne me console pas avec une pâtisserie. Tout est écrit si petit ! Un café ai-je demandé avec un haussement d’épaules. Je suis rentrée de ma journée shopping avec un seul achat, des lunettes-loupes achetées en pharmacie. Un truc moche que j’ai caché au fonds de mon sac. La vieillesse s’approche et m’oblige à la regarder.
L’été vient de se terminer, je laisse derrière moi d’autres beaux restes, l’ovale qui s’affaisse, la fesse qui engraisse. Mes courbes deviennent ondulations. Ses mains, qui se posaient hier dans le creux de mes reins, s’accrochent désormais aux bourrelets que je malaxe en vain.
L’été vient de se terminer et j’entre dans l’automne.
Aujourd’hui je me suis scrutée, j’ai consigné dans mon fichier informatique la courbe exponentielle des cheveux blancs, des rides, des petits tracas qui deviendront grands. Une lente déchéance. Je m’amoindris. Peu à peu les douleurs, moins en moins l’endurance, plus vite la lassitude, plus longue la récupération. Je passe de l’âge où tu en rigoles à l’âge où ça t’affole. Alors j’ai réagi, je me suis motivée, challengée. Fini le laisser-aller, je reprends les commandes ; Terminée la décrépitude qui s’insinue, sournoise. Je me suis campée devant mon psyché aux pieds-pattes de lion et feuillage rococo. Je relève le menton et me toise, arrogante. Les poings sur les hanche je me répète dix fois : je m’assume et m’accepte, à chaque âge ses avantages. Et voilà, cette petite séquence Coué quotidienne devrait me convaincre que la pente sera suffisamment douce pour la descendre sereinement.
Puis, à la fin du prochain été, quand j’aurais entamé mon 2ème demi-siècle, j’aurais accepté le temps qui passe. La circulation sanguine devenue paresseuse ? Je m’en fiche. L’arthrose qui grignote les articulations ? Je m’en fiche. Ma poitrine fait moins la fière ? Je m’en fiche. La place assise qu’on me libère dans le métro ? Euh, s’ils pouvaient attendre encore un peu…
Ma chère vieillitude, chaque jour je découvre un peu plus tes vicissitudes. Tu t’inscrustes, squatteuse non expulsable, qui ne me laisseras aucune trêve. Tant pis. Installe-toi et trinquons à ma santé.
Moi