L’Eau Forte

Cette gravure me parlait d’nous. J’y ai mis nos rires et nos délires. J’y ai mis nos perruques et nos jupes, nos démarches chaloupantes. J’y ai mis nos démarches titubantes de chapelle en chapelle, hurlant des chants paillards, la glotte bien arrosée. J’y ai mis des harengs dans nos poches car nous, carnavaleux, on n’fait pas dans l’oursin. J’y ai mis, soudain graves, not’ hommage à Jean Bart.

A nouveau nous trinquons, à nouveau nous dansons au bout des 3 Joyeuses. Nous on sait naviguer, jamais entre deux eaux, toujours de bandes en bals.

Quand je berçais la plaque, j’ai vu mes mains trembler. Un p’tit whisky cul-sec, ça devrait s’arranger. Et contre le mal de ch’veux, je m’suis rasé la tête. C’est pas au vieux briscard qu’on va apprendre à boire. Quand je berçais la plaque, ça a soudain tangué. Pour noyer la nausée, j’ai avalé un d’mi. Me revoilà d’attaque. Quand on fait carnaval, faut tenir de janvier à avril, alors, alors faut qu’on s’entraîne de mai jusqu’à décembre. On n’est pas alcolo, on a l’carnaval dans l’sang. Quand je berçais la plaque, j’ai vomi mon café. Je n’avais plus de rhum, j’y avais mis du lait. Mon estomac n’a pas supporté.

Tout ça pour te dire que, malheureusement, il y a eu un crevé. J’ai pas été verni sur c’coup là. Mais bon, c’était l’heure de l’apéro, alors je n’ai rien modifié. Un coup d’encre sur la plaque, un coup d’jaune dans mon verre, cette gravure est comme nous, joyeusement ravagée.


L’eau-forte est une technique de gravure où l’image est creusée sur une plaque de métal à l’aide d’un acide. Le principe est simple : sur la plaque de métal préalablement recouverte d’un vernis à graver, l’artiste dessine son motif à la pointe métallique. La plaque est ensuite placée dans un bain d’acide qui « mord » les zones à découvert et laisse intactes les parties protégées. le crevé est un accident qui résulte des hachures tracées trop près les unes des autres sur le vernis. Après nettoyage du vernis, la plaque est encrée et mise sous presse.

Taggé , .Mettre en favori le Permaliens.

Une réponse à L’Eau Forte

  1. Duchamp dit :

    Hello Nadège, une texte bien chaloupé, arrosé, caustique qui fait hic hic à volonté mais la gravure ne supporte pas de telles descentes surtout à remonter sauf dans une fiction qui lie amour du carnaval et la gravure.
    Biz Dany

Laisser un commentaire