Sur le tableau noir, l’institutrice écrit des lettres qu’il a du mal à mettre en ordre. Il y a toujours un R qui accroche dans sa tête, roulis récalcitrant, armée de R qui ne marche pas droit, happe les lettres qui s’entrechoquent. Le R se répand à ses dépens et prend ses aises. Le R le surprend, au détour d’un adverbe, croc-en jambe à la ligne, phrase tronquée. Et soudain la perte prête à confusion, pire, le R ripe, et la perte pète des sonorités discordantes ; Le R laisse les voyelles éparses, les mots en contre-sens, et l’R de rien, ce qu’il déchiffre ne rime à rien.
Il n’en peut plus, veut que cette consonne s’efface, et que l’alphabet saute sans complexe du Q au S. Il se dit que les dictées sont plus simples sans cette consonne maudite. Les mots s’enchaînent, la poésie se déclame en slam, les textes sont fluides.
Point besoin que s’y ajoutent du bruit et de la fureur. Mais alors comment pourrait-il encore digresser, progresser, bavarder en classe, ou encore courir, rêver, rire à la récré ?
Il attrape son compas, gratte le bois et grave, chagrin, « vivre sans R c’est vive quoi ? »