Interconnexion

Ils se voient tous les jours sans se dire bonjour. Il ne remarque pas ses tenues féminines, petite jupe plissée rehaussée d’un chemisier, ou pantalon moulant sous un haut confondant. Elle veille son smartphone, s’enferre dans sa sphère, numérique onirique, réalité d’optique. Ils se voient tous les jours, cela les interpelle, anonymes familiers, voisins du quotidien. Ils se jettent un coup d’œil comme on consulte une montre. Elle n’est pas en retard, il n’est pas en avance, les aléas du train rythment la cadence. Ils se voient tous les jours, se côtoient mais s’ignorent. Leurs esprits se concentrent sur un monde virtuel quand leurs corps se confinent, se confrontent, se combinent. Les épaules s’effleurent, les genoux s’épanchent, s’oublient, l’un contre l’autre. Ils se voient tous les jours, leurs corps se reconnaissent, se pressent au gré d’une grève, d’un incident voyageur. Leurs pores se dilatent, la sueur en émoi, absorbent goulûment l’odeur humide, troublante. Ils se voient tous les jours, se connectent, s’interfèrent. Plus besoin de réseau, de 3G, de 4G, leurs ondes se délectent. Ils se voient tous les jours, hésitants, impatients, et grâce à la distance, plus proches de jour en jour. Arrivent les congés. Le temps d’une semaine, d’une quinzaine, ils s’adonnent à d’autres transports. Sonne l’heure de septembre, du train-train qui revient, des arrêts qui s’égrennent. Tout le monde est revenu. Ils se voient tous les jours, la romance recommence. Jusqu’aux prochaines vacances.

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Une réponse à Interconnexion

  1. Robert dit :

    Très sympa à lire surtout à haute voix pour faire chanter le texte.

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