Au départ n’importe qui aurait vécu cela comme un jeu, et puis me voici sur ce plongeoir de chantier, drôle si ce n’était pas pathétique, drôlement pathétique.
Le matin je n’avais pas choisi soigneusement mes vêtements car ma performance dans l’inconnu devait se faire sans superflu. Je m’étais juste autorisée un masque à gaz. Si cet inconnu s’avérait asphyxiant, la moutarde ne me monterait pas au nez ; Si cet inconnu s’avérait décevant, j’aurais mon gaz désopilant.
J’avais mis des affiches, distribué des flyers, organisé des flash mob où tout le monde, et surtout moi seule sautillait sur place en répétant « le grand saut c’est pour bientôt ». Et me voilà les pieds collés au métal froid, sans savoir si je peux ou veux encore avancer vers le vide.
Je m’étais entraînée à la piscine, au lac d’Annecy, mais pas dans la mer car je suis un régime strict sans sel. J’étais prête, je me sentais prête, je m’imaginais prête.
J’étais sortie du restaurant à la fois assommée et remontée. Tournait en boucle dans ma tête tout ce que je n’avais pas osé lui jeté à la tête, défaite :Non Monsieur, je ne pue pas l’ennui ; Non Monsieur, mes yeux ne reflètent pas la vacuité de mon existence ; Non Monsieur, j’ai des envies, des lubies. Et me voilà, me poussant, m’invectivant « Ose, Ose », avec pour seule réponse l’écho qui se gausse « Ose, hisse ».
Il avait préparé son discours, et avait attaqué dès l’entrée, à croire qu’il lui était trop insupportable de tenir encore tout un repas. Il avait essayé, s’était montré patient, mais mon manque de réaction à ses tentatives de sortir d’une routine lénifiante l’asséchait de l’intérieur. Il ne voulait pas devenir comme moi. Comme quoi ? Un être gris qui traverse la vie sans éclat ni fracas. Je ne suis pas comme ça. Ah non, alors pour quoi serais-tu prête à une folie ? Pour toi. « Même pas cap’ ». Et me voilà à vouloir prouver je ne sais plus trop quoi à je ne sais plus trop qui. Action ou vérité ?
Jeux d’adultes
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