Le garçon qui voulait un dragon

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Il était une fois un jeune garçon qui décréta, les poings sur les hanches :
– Je veux un dragon.
– Mais c’est dangereux ! s’effara sa mamie.
– Pas s’il est mon ami.
Et ça prend beaucoup de place, objecta sa maman.
Pas s’il se fait tout petit.

Décidé, l’enfant se dirigea vers le parc aux animaux insolites. Il ignora le petit dragon-lézard, qui se cachait vert de peur, la queue en l’air et la tête sous une pierre. Il ne se laissa pas hypnotiser par la drôle de créature aux jambes de gazelle, aux yeux de biche et à la langue de vipère. Un gardien l’interpela :
Que cherches-tu ?
Un dragon qui crache du feu.
Sais-tu qu’ils sont très féroces ?
Pas s’il est mon ami, répondit le jeune garçon en haussant les épaules.
Le gardien lui indiqua une direction. Plus le petit garçon avançait, plus la végétation noircissait, arbustes calcinés, barrières carbonisées. L’air se chargeait de fumée. Le petit garçon toussa, frotta ses yeux qui le piquaient.
Et là, devant lui, il vit un dragon au corps recouvert d’écailles flamboyantes et aux yeux incendiaires. Il approcha sa gueule à l’haleine sulfurée :
Tremble petit d’homme, d’un souffle je peux te transformer en cendres.
Le petit garçon ouvrit de grands yeux et dit, l’air étonné :
Pourquoi tu ferais ça ?
Parce que je suis un dragon de feu !
Le garçon sauta de joie :
C’est toi que je cherchais !
– Pourquoi ?
– Tu veux être mon ami ?
Le dragon, décontenancé, en tomba à la renverse. Le petit garçon lui sauta au cou :
– Ami dragon, ami dragon !  On va être les meilleurs amis du monde !
Le dragon conquis par la proposition, ils s’en furent bras dessus, aile dessous, à la maison du petit garçon.

Sa maman n’était pas très rassurée au début, mais le dragon Tatsu faisait attention à ne rien brûler, sauf quand on le chatouillait.
L’enfant et le dragon jouaient, riaient, s’inventaient mille aventures. Le soir venu, le dragon se lovait contre le flanc du petit garçon. Ce dernier s’endormait puis se réveillait car il avait trop chaud. Il ouvrait la fenêtre, mais rien n’y faisait. Chaque fois que l’animal expirait, la température montait de 2 degrés.

Un matin ensoleillé de mars, le petit garçon proposa à Tatsu de lui faire découvrir la neige. Le petit garçon mit des saucisses et des bonbons dans son sac à dos. Arrivés au sommet de la montagne en quelques coups d’aile, le dragon trouva cela fort blanc. Et un peu froid aussi. Ils décidèrent de pique-niquer. Le dragon, qui n’avait jamais cuisiner, carbonisa la viande. Ils mangèrent seulement les bonbons, ce qui leur plut beaucoup.
Pour redescendre jusqu’à la vallée le petit garçon chaussa ses skis et s’élança, Tatsu sur ses talons. En rasant le sol, le dragon faisait fondre la neige. Le petit garçon se retrouva bientôt sur l’herbe, fort dépité.
Il faut que tu fasses moins de chaleur.
Mais je suis un dragon de feu !
Face à ce constat implacable les deux amis se désolèrent, l’un à chaudes larmes, l’autre à chaudes flammes.

Le lendemain, lorsque le jeune garçon se réveilla, il faisait frais. Il s’étira, il avait toute la place. Il se redressa. Tatsu était parti. En fin de matinée, le jeune garçon commença à s’inquiéter. Il se précipita au parc aux animaux insolites. Tatsu n’était pas là où il l’avait vu la première fois. Il parcourut toutes les allées.
– Où vas-tu ? lui demanda sévèrement une dragonne.
– Vous êtes qui ?
– Une Naninurse.
Les Naninurses était une espèce très prisée pour garder les enfants. Enfin, c’était surtout les parents qui aimaient leur sévérité. Le petit garçon s’éloigna prestement. « Encore un mal-éduqué » entendit-il siffler dans son dos.

– Que cherches-tu ? demanda le gardien.
– Mon ami Tatsu.
Le gardien du parc dévisagea l’enfant, l’air peu amène.
– Ton ami ? dit le gardien en haussant un sourcil, soupçonneux.
– Il est parti, je ne sais pas pourquoi, sanglotait le petit garçon. Je veux le retrouver, le ramener à la maison.
– Suis-moi.
L’homme l’entraîna dans un coin du parc où il faisait très froid.
– Dites Monsieur, on va où ? Tatsu est un dragon de feu, il ne peut pas être ici.
Le gardien lui indiqua un enclos du menton. Tatsu était là, les écailles ternes, l’œil larmoyant, crachotant piteusement de la vapeur. En face de lui se dressait un autre dragon, fourrure de neige et regard de glace. Le jeune garçon s’élança :
– Tatsu qu’est-ce que tu fais ?
– Je m’entraîne pour devenir un dragon réversible.
– C’est quoi ?
– Un dragon capable de souffler le chaud et le froid.
– Mais j’ai déjà des parents ! s’exclama l’enfant.
Mimant sa mère d’un ton sévère il dit :« Chut ! Réponds à la dame. » Puis d’une voix câline : « Tu es grand maintenant ! Tu seras toujours mon bébé. » Enfin d’une voix lasse : « habille-toi comme tu veux. Pas un short, il fait 10° dehors ! » Le dragon hoqueta, et dans un grand éclat de rire retrouva ses couleurs et ses flammes. Il sortit de l’enclos, abandonnant le dragon des frimas à son verglas. Les deux amis s’en allèrent bras dessus, aile dessous, chantant gaiement ce refrain improvisé : « si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est pas en se gelant les écailles qu’on devient distributeur de glaçon ! »

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